Ce n'est pas parce que j'ai quitté le pays que je ne me tiens pas un minimum informée. Enfin j'essaie. D'ailleurs entre nous, c'est qui ce DSK dont tout le monde parle ? Nan j'déconne, je sais bien que c'est le gars qui fait de la pub pour les Sofitel.
Donc là, je tombe sur la nouvelle affiche Carrefour, ah non Front National de la Jeunesse (pardon Carrouf mais je crois que tu t'es un peu fait chourrer ton logo). Et je suis pas déçue.
Tu peux cliquer dessus si tu veux mieux voir le p'tit vieux dans le fond. |
Par quoi on commence ? Bon, la signature. "Les jeunes avec Marine". Logique : les vieux du FN ils sont avec son papa - c'est-à-dire séniles et grabataires, un pied dans la tombe, on peut plus compter sur eux (un peu facile mais pas loin d'être vrai). Bon, ensuite, le drapeau en forme de voile, la couleur bleu marine, le prénom... On pige l'idée : le thème petit bateau et haute mer est posé, merci on s'en serait pas douté. Une chance que papa l'ait pas appelé Clémentine, on était bon pour des affiches oranges et un partenariat avec Juvamines.
L'accroche : "Choisis ta France". C'est marrant (et surtout malin), c'est exactement l'opposé du "La France, aimez-la ou quittez-la !" qu'avait clamé son père quelques années auparavant. Donc maintenant la stratégie ce n'est plus de s'adapter au pays mais plutôt au pays de s'adapter (mais pas à n'importe qui, of course). Merci la psychologie inversée. Ou comment garder la recette sous couvert d'une nouvelle disposition dans l'assiette. Bien vu l'aveugle. Enfin le borgne. Enfin bref.
Si on s'attarde ensuite sur le visuel, et là pas de panique ça sera pas long à décrypter, on observe deux images. Une banlieue à feu et à sang et son sans-abris au fond du gouffre en opposition à la petite bourgade paisible et son couple chabadabada. Ah félicitations, on sent qu'ils se sont décarcassés pour trouver des comparaisons. Entre misère et désolation ou joie et harmonie, vous choisiriez quoi vous ? Ben oui ma bonne dame : le pays de la petite Heidi... La signature est positionnée au centre, ainsi grâce au sens de lecture nos cerveaux de jeunes intègrent parfaitement l'idée : chaos-douleur > Marine arrive > chaleur-bonheur. (Au cas où on comprendrait quand même pas bien le message il y a l'adresse du site qui se fera une joie de nous rediriger vers une explication de tout ça en plus détaillé).
Simple, rapide, efficace. Te voilà donc, cher jeune, face à ton destin et cet énorme choix cornélien : finir abandonné de tous, avec pour seule compagnie ton hygiène corporelle douteuse, sans aucun avenir au milieu des enfers ; ou bien prospère, dans une paisible et sainte contrée, en bonne voie pour te marier et sans dents cariées grâce aux 5 fruits et légumes frais que tu achètes sur le marché ?
On note toutefois l'effort de diversité dans les clichés :
à gauche :
- des immeubles qui te cachent bien la vue
- des voitures qui brûlent
- des jeunes à capuches agressifs, qui sont sûrement tous basanés parce qu'ils ressemblent à ceux qu'on voit à la télé
Et à droite :
- la p'tite copine un peu bronzée. Mais un peu hein, faut pas déconner non plus ! Tellement léger que ça peu passer pour un teint un peu corsé de vacances prolongées sous le soleil de Méditerranée.
- le petit papé avé sa canne en arrière, tout tranquille, qui si tu lui demandes, te parlera d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...
- un clocher, dans le fond, pour la petite touche religion (mais de bon ton)
Voilà voilà.
...
Alors ? Tu préfères quoi le jeune ?
Y'a pas à dire, ils sont fort pour les raccourcis chez Jean-Marie. Et en même temps c'es ce qui m'a toujours bluffé au FN, cette faculté à rassembler via la simplicité. C'est toujours plus facile de t'approprier un discours direct, compréhensible parce que simple. Tandis que les belles tournures, ça a de la gueule mais c'est bien plus confondant.
C'est sûr que critiquer c'est facile et qu'il faudrait pas oublier de voir ce qui se fait chez les concurrents. Pas de problème, d'ici avril 2012 j'ai le temps de les passer en revue. Et je ne doute pas un instant qu'on trouvera de bons gros clichés sur lesquels rigoler tout autant.
Mais en attendant c'est comme ça, les idées de Marine, c'est comme celles de son père : les entendre ça me file toujours un léger mal de mer.
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